« On préfère dire que les Français ne peuvent pas être compétitifs »
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Michel Le Borgne, animateur du pôle paysage de la FNPHP et directeur des pépinières Drappier, dans le Nord, répond à notre édito paru dans le Lien horticole n° 938 du 26 août 2015 intitulé Mais qu'est-ce qui ne tourne pas rond ? : « Dans le domaine du paysage règne un individualisme forcené ; en conception et en production, arbitré par les entrepreneurs du paysage qui font jouer intelligemment les règles du libéralisme.
Nombre de concepteurs ne visitent jamais les pépinières françaises. Dans ces conditions, comment faire évoluer la palette végétale ? Innover et se renouveler devient un vrai défi pour les producteurs qui vont trop souvent brûler les plantes "trop nouvelles" qui demeurent invendues. C'est une sale habitude.
On préfère dire que les Français ne peuvent pas être compétitifs à cause de l'imposition de l'inventaire... On va souvent acheter ailleurs, parfois plus cher, là où les terres coûtent sept à dix fois plus, là où les Polonais que l'ont fait venir quarante heures par semaine sont payés comme les autres, pour être très productifs, comme les autres...
Aucun dialogue n'est possible, tant la condescendance des uns écrase le mérite inconscient des autres. Par exemple : Combien de concepteurs ont-ils renouvelé leur palette végétale pour utiliser les cultivars résistants aux maladies ? Combien de producteurs diffusent-ils suffisamment ces informations essentielles ?
Les producteurs français paient souvent le prix fort pour des marchés attribués à des conditions indécentes : en effet le végétal sert souvent de variable d'ajustement en fin de chantier.
La loi punit ceux qui vendent à perte... Quand punira-t-elle ceux qui achètent à perte ?
Quand les règlements de consultations des marchés publics prévoiront-ils que les offres anormalement basses soient systématiquement éliminées à l'ouverture des plis ?
Les maîtres d'oeuvre et les entrepreneurs reprochent aux producteurs français de n'avoir jamais en pépinière la totalité des plantes requises pour un chantier. Ils préfèrent "butiner" en Allemagne ou en Hollande. N'oublions pas que, souvent, ces fournisseurs affichent des taux de négoce de 50 à 60 %, quand il ne s'agit pas de simples négociants qui ne produisent rien eux-mêmes et n'achètent jamais rien en France... !
La loi française interdit la moindre allusion à la préférence nationale et elle est appliquée avec zèle... Pendant ce temps, nos voisins se frottent les mains et trouvent des stratagèmes favorisant à outrance leur production.
Condescendance, respect de la loi hypocrite, absence de solidarité maladive, goût immodéré du voyage, maîtrise d'oeuvre aux abois avec un taux de rémunérations scandaleux, descendu aux alentours de 3 %...
Non, cela ne tourne pas rond et il est temps de réunir enfin cette filière du paysage, qui pourrait faire vivre tant de gens en France, pour le mieux-être de notre société tout entière. »
PAR MICHEL LE BORGNE
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